Chalons – Verdun mise sur route

C’est une des mauvaises nouvelles du service annuel 2014 : les TER Chalons – Verdun sont supprimés, première fermeture qui semble devoir malheureusement en appeler d’autres…

Genèse de la ligne

Le tracé de la ligne Paris – Strasbourg évitant Reims et Metz, ces deux villes avaient dû faire pression auprès des Chemins de fer de l’Est pour obtenir une liaison ferroviaire. Celle-ci se greffe à la ligne Reims – Chalons à Saint Hilaire au Temple par un raccordement en triangle. Le 23 juillet 1867, la section de Saint Hilaire au Temple à Sainte Menehould était ouverte, atteignant Verdun le 14 avril 1870 et Conflans-Jarny le 7 juin 1873, permettant l’accès à Metz par la ligne de la vallée de la Moselle. Entre 1871 et 1918, la « ligne 5 » (appellation Est) constituait l’itinéraire de référence entre Paris et Metz par le proint frontière d’Armanvilliers, avant l’ouverture, bien plus tardive, de l’itinéraire direct via Lérouville.

D’abord à voie unique, la ligne prit rapidement un statut stratégique motivant sa mise à double voie en 1880 jusqu’à Verdun puis sur l’intégralité du parcours à la fin de la première guerre mondiale : elle constituait un itinéraire vers les fronts de l’Est et desservait les camps militaires de Suippes et Mourmelon. Après la fin des hostilités, la ligne 5 se muait en ligne des camps militaires, avec son cortège hebdomadaire de trains de permissionnaires.

La ligne fut électrifiée en 25 kV entre Conflans-Jarny et Hagondange à l’été 1956 dans le cadre de la desserte du bassin sidérurgique lorrain, mais l’essentiel du parcours fut remis à voie unique entre 1972 et 1975, demeurant équipé du Block Manuel n’offrant qu’un faible débit.

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La ligne est relativement sinueuse avec des courbes s’abaissant à 300 m de rayon. Franchissant les différents seuils du bassin parisien, et notamment la cote d’Argonne, puis redescendant vers la vallée de la Moselle, la ligne comporte des rampes pouvant atteindre 15 pour mille. La vitesse de fond de la ligne plafonne à 90 km/h mais plusieurs ralentissements à 60 voire 40 km/h ont été appliqués en raison du manque de moyens pour assurer le renouvellement de l’infrastructure.

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Somme-Thourbe – 2 novembre 2013 – L’autorail Chalons – Verdun du matin est assuré par l’X73804. Sur cette section, en dépit de rails courts, l’état de la voie est encore potable et permet de circuler à 90 km/h. © transportrail

Faiblesse du trafic et concurrence de la formule car + TGV

Desservant des territoires de faible densité de population, la ligne devait son trafic notamment aux  trains de permissionnaires et à l’expédition des produits agricoles. Cependant, les localités desservies sont peu peuplées, hormis les deux principales villes de Sainte Menehould (4500 habitants) et Verdun (18500 habitants).

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Somme-Thourbe – 2 novembre 2013 – Bientôt, les feuilles mortes des arbres bordant la ligne ne seront plus dérangées par le passage des autorails, dont la fréquentation s’est étiolée avec la rupture systématique à Verdun et la concurrence de la formule car + TGV. © transportrail

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Somme-Thourbe – 2 novembre 2013 – Un passage à niveau, avec une guérite à l’abandon et l’emprise large, témoignage d’un passé à doube voie. Néanmoins, l’infrastructure n’a pas besoin de grands moyens pour assurer sa pérennité. © transportrail

En outre, la desserte demeure orientée sur Chalons en Champagne alors que nombre d’élus et d’associations ont relayé la demande des populations de pouvoir bénéficier d’un accès direct à Reims et à sa gare TGV, tant pour correspondre aux flux de déplacements que pour faciliter l’accès au réseau à grande vitesse : deux moyens de remplir les autorails X73500 dont la fréquentation reste faible.

Cependant, l’organisation de la desserte présente bien des lacunes dissuadant les candidats aux transports publics.Au service annuel 2013, en semaine, 4 liaisons sont proposées au départ de Verdun pour Chalons à 6h06, 10h44, 15h46 et  18h41. L’unique train du matin arrive à 7h34, 45 minutes avant le départ du TGV pour Paris, et apparaît bien matinal pour récupérer une clientèle autre que scolaire.

Les départs de Chalons pour Verdun ont lieu à 8h19, 12h23, 18h20 et 20h42, n’offrant là aussi qu’une seule possibilité pour les liaisons domicile-travail. Qui plus est, la liaison directe avec Metz a été supprimée et les correspondances à Verdun ne sont pas systématiques (créant évidemment les conditions d’un épuisement du maigre trafic).

Quant au week-end, l’offre rachitique se cantonne à 2 allers-retours n’offrant aucune possibilité de trajet de loisirs (le départ à 6h41 de Verdun demeurant rédhibitoire).

Qui plus est, l’attractivité de Chalons semble moindre que celle de Reims, plus commerçante et plus dynamique :  des liaisons Reims – Verdun auraient-elles eu plus de succès ?

En revanche, les autocars assurent une liaison depuis Verdun vers la gare Meuse TGV, au final plus efficace et relativement prisée des voyageurs. Un des effets « aspirateurs » du TGV sur les territoires alentours.

Quant au fret, il se résume à des trains militaires (ne serait-ce que pour le défilé du 14 juillet à Paris) et à l’expédition de produits agricoles et industriels. D’ailleurs, en 2005, la ligne fut la première de France à accueillir un train de fret privé (Connex à l’époque) entre Dugny sur Meuse et Dillingen/Wolklingen.

Une mise sur route inéluctable ?

Dès lors, il n’est pas étonnant que le faible trafic et la nécessité d’investir plusieurs millions d’euros pour maintenir les conditions de circulation des trains aient conduit au report sur route de la desserte régionale. C’est ce qui arrivera au prochain changement de service.

Dégradation du service public, bilan économique difficilement soutenable avec la persistance des rigidités de l’exploitation ferroviaire française, mais aussi une réalité démographique, un manque d’audace sur l’organisation du service, même à coût constant : bref, l’accumulation de non décisions et les conséquences de décennies pro-routières que les 15 dernières années marquées par un certain rééquilibrage n’auront pas réussi à compenser.

En tous cas, on peut souligner la promptitude de la SNCF à retirer ses autorails de la ligne puisque les trains ont été mis sur route dès la mi-novembre, sur l’autel d’une carence de matériel sur les autres relations TER Champagne Ardenne, pour un report officiel au 15 décembre 2013…

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Valmy – 2 novembre 2013 – Vue de la ligne vers Verdun et Hagondange. Le signal reste à voie ligne… mais pour quel trafic ? A priori, le fret local devrait continuer, notamment pour les productions agricoles.

© transportrail

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